Certes, le regard (ou le peu d’attention) que me portent nombre de mes congénères m’oblige à admettre que j’ai probablement  atteint le cap, que dis-je, le point de non-retour du sénior pointilleux (vulgairement appelé vieux con).
J’assume. C’est ainsi que je peux parfois tenter de vous soumettre une réflexion sur ces détails qui pour moi n’en sont pas, sur ces petites choses, en apparence futiles, qui me dérangent autant que le petit pois de la princesse ou le caillou de la godasse.

Le gravier du moment : Aviez-vous remarqué la prise de pouvoir des articles définis dans le discours médiatique ? N’entendez-vous pas (plus ?), la façon dont certains commentateurs, de nombreux politiques et quelques journalistes utilisent « les, le, la » pour désigner un groupe et tenter de donner un aspect universel et définitif à leurs arguments ? :

« Les français en ont assez », « Les hommes politiques sont pourris », « Les électeurs nous disent… »

Pour rappel ces articles sont dits « définis » dans la grammaire française, cela signifie grossièrement (ch’suis pas prof non plus) qu’ils sont employés pour introduire une catégorie générale ou une chose, une personne, un groupe, défini et identifié.

Ainsi, lorsque j’écris « les religions sont dangereuses », cela se veut un poil plus universel que si j’écris « il existe des religions dangereuses » ou « certaines religions sont dangereuses ». C’est pour l’exemple bien sûr.

L’utilisation de ces articles définis s’accompagne d’ailleurs souvent de l’emploi de pronoms personnels (elles, ils, les, la, le) dans les phrases qui suivent, certainement pour finir le travail de confiscation.
Ainsi, un homme politique aussi bas dans les sondages que haut en couleur dira « Les français en ont assez. Ils veulent que cela change. « Je les rencontrent… », « ils viennent me parler… ».
Entendez-vous le « tous » subliminal ? Ces français révoltés dont il porte le message sont soudain majoritaires.

Si l’exemple peut sembler « orienté », il n’est pas caricatural : cette méthode est utilisée de plus en plus souvent par nombre de « communicants », qu’ils soient politiques ou non.
Nous la retrouvons également dans notre vie quotidienne, depuis longtemps : « Les routiers sont sympas ». Ben non pas tous. « Les routiers bloquent la France ». Ben non pas tous. Et je vous passe ces éternels poncifs sur « les » coiffeurs ou « les » chauffeurs de taxi… qui sont ceci ou cela (stop !)

Globalisation, stigmatisation, démagogie, quel que soit l’objectif recherché, cette pratique insidieuse et généralisée nuit au sens des choses, et je m’inquiète de son poids dans l’inconscient de nos esprits saturés d’informations. A tel point que j’ai remarqué un vrai phénomène confusionnel où l’utilisation d’un article indéfini fini par être considéré comme stigmatisant ! Un peu comme si j’écrivais « la bêtise est partout, il y a même des dirigeants cons » et que Donald twittait derrière « Eh Knife, c’est celui qui dit qui est ».

On voit ainsi que sémantique et grammaire ne sont pas (que) des choses vaines ou contraignantes. Elles permettent de nuancer un propos, voire de l’orienter.

Soyons vigilants, n’acceptons plus ce jeu manipulatoire où l’on jette les « des » au profit des « les ».