Je viens de perdre un ami, un homme très âgé, parti sereinement m’a t’on dit.
Il avait l’habitude d’écrire tous les ans pour ceux qui l’aimait des petits haïkus, des poèmes foutraques pour nos fêtes et nos anniversaires.
Sans chercher ni pouvoir rivaliser, j’essayais parfois de lui répondre sur le même ton…
Aujourd’hui bien que triste, j’ai aussi eu envie de lui faire un dernier signe, par-dessus cette frontière étrange, immatérielle qu’est la mort. Voici un texte en alexandrin, un clin d’oeil à mon éternel vouvoiement mais surtout un hommage à son amour des mots et en souvenir de nos échanges épistolaires :

Tony, j’aurais aimé pouvoir vous dire « tu »

Je ne serai pas présent pour vous saluer,
Pour ce dernier départ, pour ce si grand voyage,
Pour cette ultime étape avant l’éternité.
En espérant ne pas faire trop de verbiage,
Je tente de vous écrire en alexandrin,
Un hommage à vos si beaux talents d’écrivain
De haïku et autres jolis petits compliments,
Que tous les ans vous m’écriviez si gentiment.

J’ai un grand regret, en titre vous l’avez lu
De n’être pas arrivé à vous dire « tu » ;
Ce n’est pas par distance ou manque d’affection,
Non plus par crainte, encore moins par aversion,
Mais bien par respect, un réflexe pavlovien
Venu d’un autre âge, celui où collégien
Je voyais les foules d’élèves agités,
Dans les couloirs de ce collège salonais,
Devant vous se fendre pour vous laisser passer
Vous le grand, fier et un brin british prof d’anglais.

Quelques années plus tard je découvrais surpris
Que vous étiez père de mon meilleur ami
Un père drôle, sympathique et accueillant
Toujours fort agréable et qui plus est charmant.

Avec ses joies, ses peines, le temps a passé
Mais vous restiez là, dans mon cœur, enraciné
Au point de m’étonner, chaque année un peu plus
De n’être pas arrivé à vous dire « tu » ;

A l’heure où j’écris tant bien que mal ces lignes
Il est bien sur trop tard pour vous faire ce signe
Mais je vous le dis enfin, comme à un ami
Tu vas sacrément me manquer, mon cher Tony

Vous pouvez retrouver nombre de ses Haïkus sur son site : http://www.tonysan.fr/