Cher indécis, déçu, vacancier, démotivé, autruche et autre abstentionniste occasionnel ou patenté
Que ton absence aujourd’hui soit justifiée ou non, qu’elle soit dictée par une conviction profonde (« tous pourris », « ça leur apprendra », « mieux à faire »…) ou due à un accident de la vie (« où est ma carte d’électeur ? », « Déjà 20H01 ? », « les régio quoi ? »…) j’ai juste une question : ça t’as fait quoi d’entendre la Marine pomponnée annoncer qu’elle dirige le 1er parti de France ?
Si tu t’en bats le certificat de naissance, ne bouges surtout pas la semaine prochaine, on continuera à faire sans toi.
Sinon, je tiens juste à apporter ces quelques chiffres à ta réflexion – Le fn pèse ce soir environ 30% des votants sur le plan national.
– Les électeurs de ce 1er tour ne représentent eux que, grosso-voto, 50% des inscrits.
– Je fais un rapide calcul : 30% de 50%, cela fait quelque chose comme, voyons… je te le fais à 15%…
Que peut-on en déduire ? Allez, je t’aide : 15 % des 44 millions d’inscrits (soit 10% des 66 millions de français) peuvent, grâce à ton silence, pérorer et réclamer la légitimité d’un parti leader et peut-être, qui sait, décider demain de notre destin.
Car si on en croit les analystes et les frontistes eux-mêmes, leur force principale lors des élections est leur capacité à se mobiliser dès le 1er tour. Ils sont donc quasiment au taquet entre 15% et 18% des inscrits.
Toi qui n’as pas voulu, pu, su te déplacer, si tu avais daigné le faire ou si tu y avais été contraint (rassures-toi c’est juste une hypothèse, une histoire belge) dis-toi que tu aurais créé un phénomène de dilution électorale qui nous aurait permis cette gymnastique extraordinaire : sortir de ces élections la tête haute avec un front bas.
Je vote depuis mai 81, année de ma majorité, je me souviens de ce jour comme d’un événement important.
Je ne me rappelle pas avoir raté une élection, je n’ai pas toujours voté pour les mêmes, j’ai parfois voté blanc mais je me suis toujours exprimé. Pourquoi ?
Parce l’une des (rares) choses que j’ai retenu de mes cours d’histoire c’est que notre pays est le berceau de la république et de la démocratie moderne et qu’un paquet de gens plus impliqués et plus courageux que moi ce sont battus pour que je puisse avoir ce droit.
Ne pas voter en ces temps troubles c’est non seulement laisser les autres décider à votre place mais c’est prendre le risque de donner le pouvoir à une minorité déterminée.
S’abstenir au premier tour ce n’était donc ni voter blanc, ni voter rouge, c’était voter bleu marine.
Si c’est ce que vous vouliez, vous voici secrètement et lâchement satisfait.
Pour les autres, il est encore temps. N’oubliez pas qu’au soir du second tour, la liste arrivée en tête se verra attribuer la majorité des sièges aux parlements régionaux. En l’état, dans certaines régions, 10% de la population décidera donc pour une minorité relative qui représente les 90% restants.
La dictature c’est « Ferme ta gueule », la démocratie c’est « Cause toujours » disait Coluche.
Certes, mais pour une démocratie bafouée, délaissée, méprisée par la moitié de son peuple cela risque de devenir « Zut si, j’avais su ».
Si vous ne vous battez pas pour vos idées, évitez-nous d’avoir à combattre celles dont nous sommes nombreux à ne pas vouloir le triomphe. Voter ce n’est pas résister, voter c’est exister.
A dimanche prochain