Dans le cadre de ces élections régionales 2015, le désistement des socialistes dans deux régions qu’ils détenaient jusqu’alors révolte mon cerveau primaire d’électeur démocrate, de citoyen quoi. Tentative d’explication.

Le soir du 6 décembre 2015 fut un choc pour beaucoup de gens mais le soir du 2ème tour risque de provoquer un vrai traumatisme crânien chez les « républicains ».

République et démocratie, ne pas confondre

A droite, à gauche, au centre, un peu partout nous avons une recrudescence de républicains, des gens qui se sentent investis du devoir de défendre la République et de déterminer qui est républicain et qui ne l’est pas.
Or, qu’est ce qu’un républicain au sens premier du terme ? Quelqu’un qui veut instaurer une République où qui veut en défendre les valeurs nous dit le clairvoyant Wikipedia.
Et qu’est ce donc qu’une République mon cher Wiki ? :

La République (avec un « R » majuscule) est l’ensemble des biens, des droits, des prérogatives de la puissance publique et des services propres à un État dont la forme de régime politique est la république

Bon et la république avec son petit « r » comme dans régime, c’est quoi ? Larousse, c’est à toi :

Forme d’organisation politique dans laquelle les détenteurs du pouvoir l’exercent en vertu d’un mandat conféré par le corps social. (En ce sens « république » s’oppose à « monarchie », mais ne se confond pas avec « démocratie », dans l’hypothèse, par exemple, d’une restriction du suffrage.)

Donc si un démocrate peut le plus souvent se considérer comme républicain, rien n’empêche une dictature de se proclamer République (la Corée du Nord par exemple).
Re-donc, un parti autoritaire, adepte de la restriction des libertés peut dans l’absolu(tisme) revendiquer son existence et sa prise de pouvoir au sein d’une République…

La Frontière entre frontistes et front-mixte

Bon, je vous le dis tout net, je n’aime pas spécialement le terme de « Front » qui m’évoque plus les joyeusetés de Verdun ou de Stalingrad qu’une coalition politique.

A ma droite (penchez vous, ils ont vraiment loin sur ma droite)  le front national, champion toute catégorie des mauvaises solutions à de vrais problèmes.

A ma g… un peu partout autour de moi en fait, le Front Républicain, l’étendard commun brandi par tous ceux qui sont à la frontière entre sens du devoir, peur et, il faut bien le dire, calcul électoraliste. Des démocrates pour la plupart sincères, de gauche ou de droite (cela dépend du 1er tour) selon l’élection, mais rarement « sur le front » ensemble.

Par le jeu de la forte mobilisation des électeurs du fn dés le 1er tour et de la forte abstention d’un peuple qu’on croirait trop grassement nourri de démocratie, ces deux fronts se rencontrent désormais à chaque élection, le point d’orgue ayant été l’élection présidentielle de 2002 où nous vîmes un deuxième tour surréaliste où des gens ont voté contre un homme avec des gants et des pinces à linge sur le nez.

Cette danse vacillante du pouvoir se joue désormais Front contre Front, je dirais même joue contre joue tant cette valse (non, pas valls) à deux tours devient traditionnelle… et attendue, désirée par certains.

Frontistes et front-mixte ne sont pas les mêmes, je ne m’y trompe pas et je ne fais pas d’amalgame mais reconnaissez que, dans la « vraie vie », quand ce sont toujours les mêmes qui se cognent, on finit par ne plus donner de légitimité à aucun.
Booba et La Fouine par exemple, moi je ne sais plus lequel écrit les textes et lequel fait la mélodie…

La bonne place de chacun, l’ineptie de la chaise vide

J’en viens à mon coup de Blues-Blanc-Rouge : je ne comprends pas la stratégie qui consiste à se désister pour un adversaire en espérant barrer la route à un parti, certes fâcheux, mais que dont notre démocratie autorise l’existence et que notre démobilisation fait prospérer.

Oui, je suis abasourdi car je trouve cette attitude grotesque, dangereuse et démotivante pour les quelques électeurs qui se déplacent encore.

Grotesque: nous ne sommes plus en 2002, les blondes de 2015 sont beaucoup moins effrayantes que leur aïeul vitupérant et nombre d’électeurs ont du mal à faire la différence entre les candidats qui restent en lisse dans ces deux régions (surtout quand ceux de LR surfent joyeusement sur la vague populiste d’une droite dite « décomplexée »). Combien d’électeurs de gauche du premier tour vont préférer s’abstenir ? Marion ne va t-elle pas convaincre certains électeurs de droite du premier tour qui trouvent qu’Estrosi « ratisse trop à gauche » ? Marine ne va t-elle pas continuer son « quart-d’heure américain » et séduire ceux de tout bord qui, exclus du bal, sont prêt à tenter le flirt avec elle ? L’incertitude est tellement grande que nul ne peut dire ce qui peut se passer dimanche 13 décembre.
Même si le fn perd les deux régions, il restera deuxième et deviendra la seule force de proposition alternative dans ces conseils !

Dangereuse: se désister au deuxième tour cela revient pour la gauche à s’absenter pendant 6 ans d’une instance de décision qui pèse de plus en plus dans la vie quotidienne des français. D’ici là, d’autres défaites l’auront peut-être affaiblie davantage et ses idées, que l’on soit pour ou contre, ne se feront plus entendre localement.

Démotivante: au soir du deuxième tour, quel que voit les vainqueurs, les électeurs perdants  auront vraiment un sale goût dans la bouche. Ce qui fera à n’en pas douter baisser encore un peu plus le taux de participation aux prochaines élections locales.

Grotesque, Dangereuse et Démotivante stratégie que celle du « Front républicain » dans le cadre particulier des régionales, car dans tous les cas, la démocratie sera perdante. Petite projection en fonction des résultats du second tour, démonstration valable pour la région PACA comme pour la région Nord-Pas-de-Calais-Picardie :

  1. La région passe au fn :

    A gauche tout le monde est perdant, sans distinction de tendance, même si les instances nationales essaieront de dire qu’elles ont tout essayé pour faire barrage aux frontistes, les électeurs réaliseront qu’ils sont devenus aphones et que cela va durer 6 ans.

    A droite, l’heure du règlement de compte entre les adeptes du ni-ni et ceux du front républicain sonnera, chacun accusant l’autre d’en avoir fait trop ou pas assez.

    Au fn on est content, on a gagné envers et contre tous. La région, on s’en fout, surtout qu’elle agit peu ou pas dans leur domaines de prédilection (sécurité, émigration); les problèmes des français dont ils font leur terreau n’auront toujours pour seuls fautifs les gouvernements de gauche et de droite successifs.

  2. La région passe au parti LR :

    A gauche, les instances nationales tenteront d’apaiser les douleurs hémorroïdales des électeurs et des instances locales en leur disant que c’est un moindre mal. Ils auront 6 ans pour cicatriser, 6 ans pour réfléchir à la meilleure façon de perdre la prochaine. 6 ans pour essayer de se faire entendre après s’être mordu la langue jusqu’au sang.

    A droite, on devrait être heureux mais, au plan local, la position sera vraiment inconfortable : Une opposition bleu-marine de poids qui  n’aura qu’à continuer à prendre à témoin les mécontents, les indécis et les déçus toujours plus nombreux.
    La gauche qui leur rappellera qu’ils sont là grâce à eux.
    Et imaginez que la droite ne gagne quasiment  que ces régions là…

    Au fn on s’offusque mais on est content, on peut clamer que LR et PS c’est du pareil au même, on se glisse un peu plus profondément dans les chaussons douillets de l’opposant qui, seul contre tous, défend les valeurs du peuple, des oubliés, des méprisés par les partis au pouvoir depuis trop longtemps…

En résumé, le fn sort gagnant quel que soit le scénario. Avec le danger d’avoir recomposé le paysage politique en créant un nouveau système bi-partiste : une extrême-droite au message rodé contre un truc-sans-nom (si ce n’est celui absurde de « front républicain »), sans autre programme défini que la résistance au fn, un machin dont les champions, selon l’élection, seraient de droite ou de gauche.
Un tel système ne tient plus compte du poids des opinions mais seulement de la détermination de ceux qui les expriment (si vous avez lu mon billet précédent le fn pèse au mieux 18% des votants). Belle perspective !

Avec une gauche présente au second tour, la position de l’extrême droite ne serait ni plus ni moins confortable… je pense même qu’ils auraient pu perdre. En tout cas le constat serait plus simple et plus clair, porteur de valeurs (démocratie, respect des électeurs, défense de leur intérêts même en tant que simple opposant minoritaire) et de leçons pour l’avenir à destination de ceux qui n’ont pas voulu choisir.

L’extrême droite est une épine dans le pied droit et une ampoule sur le pied gauche de notre classe politique. Ça fait bobo, ok, mais faut-il pour autant se mettre à genoux, refuser à la fois d’avancer et de se soigner ?

Si le fn existe et qu’il n ‘est pas interdit, que des gens y adhèrent et/ou votent pour lui c’est qu’il y a une place laissée vacante dans l’opinion pour ce type de discours. C’est qu’il a, qu’on le veuille ou non, sa place dans notre paysage politique. Et cela ne date pas d’hier, l’histoire contemporaine française s’est toujours « accommodée » de cette frange.
Par contre cette place n’est pas une chaise d’arbitre ou un trône, tout juste un strapontin.
Je défends ici l’idée qu’il est idiot de se déterminer en fonction d’eux. Le fait qu’il soit l’adversaire le plus virulent de tous les autres partis n’en fait pas le premier d’entre eux ! Il n’y a rien de pire que de diaboliser un lutin, aussi malintentionné soit-il…

Mais ce qui est fait est fait, prenons la mesure de l’événement : nous sommes dans tous les cas obligés (pour cette fois) de donner plus de place qu’elle ne le mérite à la partie la plus sombre de ce qui compose notre nation. Le nier ne changera rien, il faut se dresser face à elle pour lui montrer que nous restons plus grands, plus forts, plus déterminés. Ce qui veut dire également plus « attentionnés », à l’écoute, capables d’empathie avec ceux, nombreux, qui faute d’horizon et de perspective ont plongé par dépit dans l’encre bleu-marine.

Ce ne sont certes que des mots mais c’est par la communication et l’échange que nous ramènerons un peu de raison, de sérénité et d’union dans notre beau pays, pour conserver notre Liberté, restaurer l’Égalité et retrouver la Fraternité.